NON-INCIDENT

 

DE

 POÉSIE

 


 

RÉSOLUTION DES FAITS

 

Un livre paru aux éditions Fidel Anthelme X, Coll. "La Motesta", sep. 2015


Comment les choses ne seraient pas ce qu'elles sont si la question n'était pas celle-ci ? Car il y a, décidée, cette interrogation qui serait telle qu'une fois posée elle contiendrait la règle de toutes les réponses possibles. Elle démantèlerait les principes qui ne serviraient pas à la résolution des faits. 

Le chant, ce serait lui-même un vent.








Des extraits de Résolution des faits ont paru dans la revue de poégraphie Toute La Lire, Cahier N°1, éditions Terracol, juin 2015

 

 

RECENSIONS

 

Alain Jugnon
Dans Résolution des faits, l'avion et le réseau textuel et iconique sont, pour Frank Smith, ce qu'était le train et la caméra embarquée pour Dziga Vertov et Lénine. Ce livre carré sur fond blanc est une sorte de plan d'attaque du/au réel  ce n'est plus de la "poésie", c'est le poème technique et beau d'un scénopoète deleuzien. Une capacité d'enregistrement et de cadrage qui se moque de la représentation et de la figuration : l'effet politique est grand.

 

 

Vertige et résolution : pilotage Frank Smith, par Claro

Imaginons la rentrée littéraire comme un nerveux troupeau se dirigeant vers l’illusion-oasis des prix et podiums, tribunes et couronnes, avec bien sûr en chemin quelques tombés en prime, plusieurs renoncés récalcitrants, bref, toute une cohorte guettant les mouvements de badine qu’agitent les derniers régisseurs de la mascarade. Ceci imaginé, reculons, décalons la prise de vue de plusieurs degrés, retournons-nous, ou plutôt, détournons-nous, et posons nos yeux sur ces livres, singuliers, qui avancent entre ciel et terre, dans l’indéterminé, sans rien d'autre à prouver que leur présence têtue et nécessaire.

Pour ce faire, lisons par exemple Résolution des faits, de Frank Smith. En soixante-quatre chapitres, de longueur et de densité variables, l’auteur «traite» une opération qui certes n’a pas la gueule-et-gouaille d’un personnage de roman ni l’éclat d’un thème chic-et-porteur, mais qui pourrait bien se révéler, en marge / en creux / en silence, l’illusion de tout progrès (politique, historique, narratif) : la résolution.

Comment aborder, traiter, dire la résolution ? Qu’est-ce qu’une résolution, d’ailleurs ? Ce n'est ni une solution ni un effacement. Est-ce un coup de force, une ruse, un déni? Mais résoudre ces questions, ne serait-ce pas déjà laisser entrer le cheval de la résolution dans la cité assiégée du langage ? Donc, plutôt que d’abattre cette notion comme une carte, Frank Smith la décale, l’éprouve, lui donne sa chance, aussi, la laisse parler, lui surimposant même un motif (le parcours d’un avion, le monde tel qu'il est vu). On parle en effet, pour les images, de résolution  et si c'était cette même opération qu'effectuait le politique pour donner l'illusion qu'il maîtrise les faits et leurs conflits?

Le désir de résolution, ou plutôt l’impératif de résolution s’avance, pourrait-on dire, sous des dehors souvent glacés (survol, analyse, décision), bavards (commission, session, adoption de résolution), au rebours du chant, du « gai savoir » mais là encore rien n’est certain, et le poétique peut aussi se laisser prendre aux lueurs de la résolution. Ce faisant, ne perdrait-il pas un de ses atouts indispensables : le vertige ?

« À la fin d’un livre, si elle [la résolution] advient, l’auteur éprouve-t-il un sentiment quelconque de soulagement ? Il apparaît que lorsque le point final est posé, plus qu’une cessation totale de l’existence on se met alors à agrandir son univers. A un moment donné  c’est comme pour le monde lui-même  si on n’augmente pas, on se raidit et se contracte : cela fait partie intégrante du processus de vie. Il n’y a pas de stabilité, rien ne cesse jamais, et le plus grand obstacle à surmonter — or cela dure tout au long d’une vie d’écrivain, semble-t-il  c’est celui du vertige.

On s’interroge sur ce que serait un vertige exact, qui aurait enfin renoncé à l’état d’apesanteur. »

Smith construit son livre avec un instinct géométrique assez inédit, faisant se succéder dispositifs réflexifs (comment penser la résolution et la dire), exercices de représentation (la mise en images du monde-carte par l’œil-avion), listes d'énoncés relatifs aux prises de résolution (invite, convient, engage, décide, encourage, sollicite). Une méthode du discours, donc, plutôt qu’un discours de la méthode, mais qui permet à ces divers dispositifs textuels d’investir une notion contenant en germe sa propre dissolution : la résolution.

Ai-je dit que ce livre était, à sa façon vigilante et tremblée, une machine de guerre ? Cette question, espérons-le, restera irrésolue, histoire de mieux surprendre l'ennemi.

 

 

Liliane Giraudon

Résolution des faits ajoute à l'énigme mais comme Chantal Akerman Frank Smith « filme le plat et à plat » : un poétique politique.