IL SORT

 

DU CADRE,

 

IL ENTRE

 

DANS LA

 

PHRASE.

 

 

 


DANS LOS ANGELES

(avec trois photographies de Catherine Gfeller)

Editions Le bleu du ciel, 2009

 

« Cent pages, presque autant de textes brefs et denses, comme des plaques un peu liquides, chacune liée à un point précis de la ville. Mais le narrateur (parce qu’un récit s’ébauche, se centre autour de la notion de colporteur) est continuellement en mouvement dans la ville, un trajet comme cette ville qui n’a pas de centre, une ville qui ne se reconnaît plus d’un nom à l’autre nom, et qui exige l’habitat provisoire de la voiture comme seul trait commun.

De quelle façon aborder la complexité de Los Angeles, avec quels mouvements, quels arrêts, quel travail sur l’image, quelle saisie des silhouettes, visages, noms, enseignes, et quelles permanences au contraire ?

Bien sûr, devant cette mise à l’épreuve, c’est la prose elle-même qu’on interroge. »

François Bon

 

 

dans los angeles est une pièce sonore radiophonique réalisée dans le cadre de l'Atelier de création radiophonique de France Culture (2009)

 

 

dans los angeles est une plateforme internet réalisée en collaboration avec Pierre Giner, avec l'aide du DICRèAM (2012), présentée au Moca Los Angeles

 

LOST ANGELES 

Plateforme internet réalisée par Pierre Giner et Frank Smith

 

Ce site fait suite à la publication d'une expérience d'écriture menée sous la forme de livre intitulé Dans Los Angeles, publié en janvier 2009 aux éditions Le bleu du ciel.

Il y était notamment question, à travers une successions de fragments textuels dialoguant entre eux, de ne s'occuper que de la place des mots dans les espaces et les situations qu'ils produisent. Éviter le moteur introspection / explication qui tourne à plein régime dans le roman traditionnel, et tenter de produire une matière-texte de poésie qui vive sa propre géographie, insérée dans les nœuds d’un tissu urbain complexe : la ville de Los Angeles choisie pour son caractère de mégalopole ultra-contemporaine.

On sait que l'objet propre du fragment c'est l'objet partiel, le morceau. Que les conditions d'une parole de fragment, c’est dire et penser l'objet partiel en tant qu'il ne présuppose aucune totalité passée dont il dériverait, aucun tout à venir qui en dériverait, mais au contraire laisser fuir le fragment pour lui-même, en fabriquant de la distance, de la divergence et du décentrement. Toujours ça sépare, ça mélange, ça affirme. C'est ce que veut montrer la plateforme Internet mise en ligne par Pierre Giner à partir de prises de vue réalisées in situ. Comme une "nouvelle relation avec le Dehors", où les géographies textuelles font désormais place à des images en mouvement comme autant de plateaux, le site Internet Dans Los Angeles tente de constituer une matière supplémentaire irréductible elle aussi à l'unité de la ville.

Rien n’arrive jamais, sinon le passage lui-même, la circulation incessante et les menus incidents à quoi se réduit finalement cette terre californienne. Tout le contraire, en somme, d’une plongée dans les profondeurs de Los Angeles ou dans ses interstices grouillants de signes. Baignées dans un halo de mouvements fugitifs et atmosphériques, les traces visuelles se décollent comme des vignettes et viennent se déposer, bord à bord, sur une série de trames superposées présentées en split-screen, réseaux linéaires qui s’étendent virtuellement bien au-delà des lieux mêmes, des lieux-dits en question.

Il sera toujours temps, ensuite, d’aller voir ailleurs.

 

 

 

_Françoise Han, L'humanité, 20 juin 2009

 

Dans Los Angeles, de Frank Smith, s’annonce comme la première séquence d’une trilogie américaine, dont l’auteur est un écrivain français, également cinéaste. Le livre paraît dans une collection de poésie contemporaine. Il se propose de rendre compte d’une cité qui n’a pas de centre. A-t-elle une langue ? Elle en a plusieurs : l’américain et, sur la fin, l’espagnol font des intrusions. Et elle s’en cherche une qui lui soit propre. « Au centre du carrefour, il y a une source jaillissante comme les prémisses d’une autre langue et il y a en effet des mots de passe qui glissent sous les discours officiels, des mots qui seraient comme de passage, des composantes de passage. »

Quelqu’un, désigné comme « le colporteur », circule en voiture, sans fin dans Los Angeles et ses alentours. Au début, il est assis sur la banquette arrière et demande à un autre passager ce qu’il veut. Réponse : « Je suis assez curieux de savoir comment cela va se poursuivre. » Récit, donc, et même enquête où la question de mort est posée, lira-t-on. Mais un peu plus loin, le colporteur, qui est désormais au volant, dit non à un récit « aveugle et malentendant », dans une page qui est un pur poème en prose. Le colporteur est tout à la fois narrateur et poète.

Le récit, avec de belles touches descriptives comme : « Des haillons fuient, on a du mal à les identifier », s’égaille dans la Cité des anges. Le lecteur happe au passage des vues qui ne sont pas seulement celles d’une ville ou d’un paysage, mais d’une société : un Asiate aveugle faisant la manche au pied de la City Bank, une résidence protégée, luxueux ghetto des wasp (protestants blancs anglo-saxons), un quartier « où s’empilent cartons et sans-abri », une station balnéaire, une scène de violence raciste. Sur tout cela plane « la permanente sentence de mort ». Simultanément, et cela est dit presque à chaque page, le récit cherche son itinéraire dans les mots, les phrases, l’écriture. Et dépasse la cité, s’étend à la terre entière. Le poème se manifeste tout soudain, où que ce soit. « Ce genre de trouble provoque chez le colporteur une grande transformation de l’air qu’il respire, de la steppe environnante, de l’or soleil et du sel naturel. »

 

 

 

_"L.A. évocatrice et sans frein", Zoomout

 

_Une recension dans parisART