L'ATLAS POÉTIQUE DES SOLIDARITÉS :

ENVOI

 

 

Un projet de Frank Smith à L’Échangeur, dans le cadre des résidences d’écrivains en Ile-de-France

 

L’objectif, au cours de cette résidence, est de développer pendant dix mois un « Atlas poétique des solidarités » (octobre 2020-juillet 2021). 

 

Cette enquête vise à interroger la notion de solidarité, à la fois dans sa dimension locale (sur le territoire de Bagnolet) et selon un axe plus global en étudiant comment ce concept se « travaille » aujourd’hui et quelles formes il engendre, dans quels domaines et selon quelles pratiques il est mobilisé. Elle vise aussi à réinventer la notion « d’atlas ».

 

Ce dispositif permettra également de manière privilégiée d’interroger le pouvoir de la parole en tant qu’elle permet de créer des liens avec autrui et en tant qu’elle engendre en elle-même de la solidarité. En effet, en rapport aux préoccupations les plus contemporaines (théoriques, artistiques, sociales) visant à l’instauration d’un espace commun, à la réalisation d’une vie bonne et commune, au retour du peuple comme force de liaison et de création (et on préférerait dire retour DES peuples), à la refondation d’actes de solidarité plurielles, etc. — on pense de plus en plus qu’il faut d’abord entendre, dans chaque situation où il est actionné, ce que le langage veut dire : considérer non pas le langage comme seul système de signes autonome mais comme moteur en mouvement dont les engrenages permettent de porter, de déployer à la hauteur d’une puissance, des adresses en direction d’autrui et au devant des autres. Une force d’interpellation et d'injonction qui a pour dessein de tisser une certaine forme de communauté, une communauté d'êtres qui partagent un même monde sensible pour autant qu'ils ménagent des distances les uns par rapport aux autres, qu’ils créent des figures partagées pour communiquer à travers cette distance et en maintenant cette distance, « une communauté émancipée » dit Jacques Rancière, à travers « un ordre de la délicatesse » dit Roland Barthes, selon une pratique de la « co-errance », dirait-on pour notre part : comment faire commun ensemble, une pratique poétique et politique du littéral, faire ce qui est dit, dire ce qui est, montrer ce qui est, comment l’action poétique instruit elle-même de la solidarité…

 

Cet Atlas verra le jour sous la forme d’un site Internet (mise en forme graphique et encodage à déterminer) dont le contenu évoluera tout au long de la résidence, elle-même conçue comme l’écrin d’une série d’investigations multiples. 

 

Pour constituer cet Atlas, au sein de L’Échangeur, sera ouvert un bureau d’écrivain public où des habitant.e.s du territoire seront invité.e.s à venir raconter des expériences et des gestes de solidarités dont ils/elles ont été ou le/la témoin ou l’instigateur ou le/la bénéficiaire. 

 

Un atelier d’écriture sur le thème de la solidarité, hors et dans la langue, orienté sur l'écriture de soi s'ouvrant à l'écriture d'autrui, sera mis en place.

 

Des entretiens seront également menés pour constituer une mémoire de la solidarité telle qu’elle se pratique à la fois sur le territoire de Bagnolet et en direction des grandes initiatives solidaires mises en place aujourd'hui au niveau politique, social, artistique. Comment se pencher sur les solidarités sans tomber dans la complaisance ? Comment les observer de près sans finir par y participer à son corps, ou son esprit, défendant ? Comment organiser ou mettre en scène les témoignages de ceux qui les ont vécues ou exercées sans devenir complice ? Comment trouver la bonne distance, entre empathie et diagnostic, réception et réparation ? Voilà quelques-unes des questions qui seront posées aux invités de ces entretiens consacrés à la documentation des solidarités actuelles, en nous appuyant à chaque fois sur leur expérience et leur travail.

 

A ces investigations, s’ajouteront différentes rencontres avec des artistes, chercheurs, philosophes qui réfléchissent sur la notion de solidarité, en dialogue avec des acteurs locaux qui peuvent témoigner de la solidarité telle qu’elle se vit à Bagnolet. Il s’agira au cours de ces événements, dont la forme reste à déterminer (performances, plateaux radio, entretiens sonores ou filmés, etc.), d’explorer des types de solidarités, bien sûr, mais... selon quelles méthodes ? Et dans quel but ? On pourrait pour ce faire s’associer à une structure (école d’architecture ?) où les étudiants intéressés mettraient au point un dispositif scénographique et architectural du type 'cercle de paroles et de conversations', avec en son centre quelque chose comme une table sur laquelle seraient rassemblés des documents qui serviraient à soutenir les propos des intervenant.e.s installé.e.s autour, avec un écran qui relaierait dans la salle en direct les manipulations faites sur la table. 

 

Une série d'états de faits solidaires repérés sur le territoire de Bagnolet feront l'objet d'un texte de poésie inédit, et des images (notamment celles de Jean-Philippe Cazier) témoignant de manifestations et de gestes solidaires viendront compléter cet atlas.

 

Un texte littéraire déployé sous la forme d'un dispositif numérique articulé de plusieurs centaines d'énoncés sera mis en chantier : Quelqu'un, quelqu'un de solidaire

 

Enfin, un numéro de la revue RIP ’spécial solidarités’ pourrait être élaboré et publié à cette occasion, sous la forme d’un journal papier, à partir d’un séminaire qui se tiendrait à L’Échangeur, et qui réunirait des écrivains et des poètes ainsi que des membres de l’atelier d’écriture.

 

Cet ensemble de propositions pourrait faire l’objet d’un film, Le Film des solidarités, et d’une exposition présentée en fin de résidence.